revisite la légendaire "machine ultime"

Mécano (du dimanche)

Tout a commencé dans la grisaille du mois de janvier 2024. Après dix années de tergiversations, j'ai décidé de construire un prototype de machine mettant en valeur le côté "vivant" de l'objet, mais avec une forme différente, inhabituelle. Les premiers résultats ne furent pas glorieux, mais au moins me permirent-ils de mettre à l'épreuve le fonctionnement de la boîte. Alors que nombre d'entre elles comportaient deux moteurs (l’un pour soulever le couvercle et l’autre pour repousser l’interrupteur), j’ai décidé de n’en utiliser qu’un, en gardant la possibilité de créer un langage avec les mouvements d’ouverture (pour le côté vivant).

Un premier essai de forme... étrange

Pour échapper à la traditionnelle forme de boîte, j’ai conçu un premier prototype d'allure indéfinissable. A ma décharge, je venais juste de comprendre comment faire des objets en révolution avec Autodesk Fusion. J'ai peint l'engin en jaune, et le bras en rose, parce qu’il y avait suffisamment de gris dehors. Le tout est en images dans cette vidéo.

Premier chantier : l’électronique (le monstre)

Suite au prototype jaune, il a fallu intégrer l’électronique dans la boîte. J’ai utilisé des cartes qui contiennent déjà les composants, des breakboards que l’on relie tant bien que mal avec des petits câbles, en faisant un usage immodéré du pistolet à colle, tout en priant pour que ça fonctionne.

Second chantier : le premier prototype

Il a fallu ensuite réaliser une vraie boîte, avec un vrai couvercle garanti sans scotch, et qui permettrait d'intégrer l'électronique, le moteur, l’interrupteur et le bras. J’ai opté pour des charnières en laiton et j’ai testé des sons d’inspiration skeuomorphique – piste abandonnée plus tard, mais à ce moment-là, qu’est-ce que j’étais content ! Vous pouvez voir tout ça en action sur cette vidéo.

Le premier prototype montrable (le PPM)

Cette première version était “good enough” comme on dit dans l’Yonne, mais l’utilisation de charnières en laiton vissées puis collées au pistolet à colle ne m’a pas semblé une solution élégante. En regardant des dizaines de fois des dizaines de tutoriels, j’ai fini par dessiner une charnière sans laiton et sans colle, en pur plastique. Victoire ! J’ai également retravaillé la carte électronique pour la faire passer d’un magma de fils à une carte de cartes un peu propre. Tous ces efforts ont permis d’aboutir enfin à un premier prototype montrable. Aussitôt suivi d’un autre prototype un peu plus petit qui allait faire parfaitement l’affaire. J'ai pu enfin rassembler toutes mes idées dans une première vidéo baptisée modestement "Concepts".

Elium Studio - Le brief

Elium Studio est une des plus grandes agences de design produit : elle dessine les produits Withings, les Freebox, les afficheurs dans le métro ou les ustensiles McDo et une foule d'autres choses. C'est un studio aux plus de 40 CES Awards et une distinction du magazine Time (oui je sais, on ne dirait pas quand on voit la porte d'entrée). Je connais Pierre Garner depuis longtemps et depuis toujours, je tenais à ce que ce soit Elium qui travaille sur le design de la boîte. Après consultation de son équipe, Pierre a accepté le projet et ils m'attendaient pour le brief.

Le logiciel (sérieusement)

Lors d'un de mes fréquents déjeuners avec mon ami Paul Guyot, on a parlé de la machine. Pour ceux qui ne le connaissent pas, il était le directeur technique de Violet, la société liée au Nabaztag. Il a fait des tas de choses depuis, mais c’est lui qui en 2019 avait écrit en Python les services emblématiques du Nabaztag pour le kit TagTagTag. Je lui ai montré le prototype et il m’a proposé de m’aider sur le logiciel qui, bien que paraissant simple, demandait à être abordé professionnellement. Il m'a aussi incité à utiliser Erlang mais ça, il me le conseille à chaque nouveau projet. Erlang est un langage fonctionnel, proche du LISP. LISP était utilisé par les pionniers de l’IA, dont Marvin Minsky, l’inventeur de la boîte inutile. Vous suivez ?

Paul a également proposé de donner une conférence sur la machine au festival Erlang à Berlin en octobre. Son intervention est ici.

Les ateliers

Chaque année, j’anime un atelier à l’école de l’Arbalète à Paris (avec mon fils Armand), au cours duquel les enfants construisent un petit objet électronique qu'ils peuvent rapporter chez eux. L’année dernière, c’était un petit robot fait de gobelets en plastique, qui s’allumait et tournait la tête quand on le touchait. Cette année là et l'année d'après, ils ont fabriqué une boîte inutile.

Une deuxième opportunité s’est aussi présentée dans une classe de maternelle où la poétesse Séverine Daucourt était en résidence. Les enfants ont composé des poèmes qu'ils ont dits à haute voix, et les enregistrements ont été mis “dans la boîte”, pour permettre de les réentendre à l'infini.

Elium Studio - Le rendu

Quelque temps après le brief, j’avais rendez-vous avec Elium pour le rendu des premiers travaux. Je ne vais pas vous montrer toutes les pistes. Vous risqueriez d'en préférer d’autres et là, ce n’est pas le moment de douter. Le design retenu est d’inspiration Memphis. Pas Memphis Tennessee mais le mouvement Memphis. Le groupe Memphis a été fondé dans les années 1980 autour du designer italien Ettore Sottsass (il y a un podcast sur lui ici). C’est d’ailleurs une heureuse coïncidence parce qu’il y a deux ans, j’avais vu l’exposition qui lui avait été consacrée au centre Georges Pompidou et j’avais acheté le catalogue dont le titre était “L’objet Magique”.

L’électronique (sérieusement)

Il était temps de passer aux choses sérieuses pour l'électronique. C’est là qu’est intervenu Philippe Debadier. Philippe Debadier est l’ingénieur qui a conçu l’électronique du Nabaztag il y a longtemps et des centaines d’autres cartes électroniques depuis. Il a accepté de m'aider et a réalisé celle de la machine.

La machine XXL

Avec mon ami François Xavier Faucher (FXF), que beaucoup d’entre vous connaissent via le fabuleux blog Toyfab, nous avons décidé de prendre un stand à Maker Faire Lille et de réaliser une boîte inutile géante.

François Xavier a réalisé une vidéo à ne pas manquer !

La machine en briques

la machine en briques est née de la rencontre avec Loïc Brun, finaliste LEGO Master, lors de l’exposition de ses créations au Musée-Galerie Carnot de Villeneuve-sur-Yonne ! Elle est composée de 377 pièces LEGO ™, d’une carte électronique spécialement conçue, d’un servo-moteur, d’un haut-parleur et, bien sûr, d’un bouton. Elle peut être assemblée en deux heures et il en reste peut-être encore en stock ici.

Les sons !

Si j'avais une idée précise du type de design et du genre de comportements de la machine, j'étais jusqu'à récemment très peu inspiré concernant les sons. Je piochais un peu par hasard et sans conviction dans différentes banques de sons. J'étais même si désespéré que je me suis dit à un moment que j'allais générer des sons avec les algorithmes d'IA. J'étais au fond du trou. Et un jour, ma fille Violette m'envoie un message (voir ci-contre) me parlant d'Alexis Malbert. C'est la révélation. Déjà, j'étais très flatté mais surtout j'étais certain d'avoir enfin trouvé le bon fou furieux.

La version finale

Et voilà, au bout de plusieurs mois d'acharnement, j'ai abouti au prototype final. Muni de sa carte électronique définitive, d'une batterie, d'un servo-moteur et du fabuleux logiciel de Paul, elle était prête à parcourir le monde, voire peut être à le changer !

Et... le marketing !

Et je ne peux pas faire un "making of" sans parler du travail incroyable de direction artistique (et de prise de vue) de Benjamin Rossignol et de Pascale Moise sur les différentes versions du site la-machine.fr. Et je peux aussi dire merci à l'équipe de Launchboom qui m'a fait enfin comprendre à quoi peut bien servir le marketing (à faire vendre des objets inutiles).